Dans les mois qui ont précédé le confinement mondial, le marché de l’art à Paris était en pleine renaissance. En 2019, des galeries comme David Zwirner et White Cube ont ouvert des avant-postes dans la ville et le marché français des ventes aux enchères a connu une croissance remarquable de 49 %, en grande partie parce que les collectionneurs consignaient davantage d’œuvres dans les maisons parisiennes au milieu des négociations pour le Brexit. La situation centrale de la ville était devenue l’un de ses principaux atouts dans sa lutte pour la suprématie sur le marché européen de l’art.
Mais après deux mois de confinement, et dans la perspective de la limitation des grands rassemblements et des déplacements sur le moyen terme, Paris ne jouit plus de sa position centrale. Et la situation actuelle a amené beaucoup de personnes à se demander si la crise ne risquait pas de faire dérailler la longue évolution de Paris en tant que plaque tournante du marché de l’art. Qu’en est-il réellement ? La réponse dans la suite.
La nécessaire reprise du marché parisien
Alors que les galeries et les petits musées de la ville se préparent à rouvrir après la fin du confinement le 11 mai, les marchands d’art sont déterminés à empêcher Paris de perdre son avantage. La marchande d’art Almine Rech a déclaré qu’elle ouvrira son espace parisien sur rendez-vous uniquement à partir du 11 mai, limitant la fréquentation à 10 personnes à la fois. Elle note également que la plupart des clients ont déjà demandé des rendez-vous, avant même l’ère de la distanciation sociale. Entre-temps, Paris Gallery Weekend a annoncé son intention de tenir son édition 2020 du 2 au 5 juillet, avec 50 galeries participantes et un accent mis sur les visites guidées (masques requis).
Un resserrement des liens commerciaux
Les enjeux sont élevés et toutes les entreprises artistiques ne survivront pas. Un rapport, pour le moins choquant, publié le mois dernier par le Comité professionnel des galeries d’art a averti que jusqu’à un tiers des galeries françaises pourraient être contraintes de fermer à cause de la crise. Les galeries françaises, note le rapport, s’attendent également à perdre plus de 200 millions d’euros de recettes d’ici le mois de juin. De plus, comme 85 % des galeries d’art membres sont de petites entreprises dont le chiffre d’affaires dépend directement du comportement des collectionneurs, elles seront durement touchées si la crise économique frappe les comptes bancaires de leurs clients pendant une période prolongée.
La responsable du comité, la marchande Marion Papillon, explique que les précédentes crises des années 1990 et 2008 ont montré que le marché de l’art peut mettre beaucoup de temps à se redresser. Si Mme Papillon affirme qu’aucun de ses membres n’a encore été contraint de fermer, leur avenir est loin d’être assuré. « 46% des galeries ont fermé entre 1992 et 1995 », rappelle-t-elle.
Les grandes galeries ne sont pas non plus à l’abri de la crise. Depuis la fermeture de ses cinq espaces, Thaddaeus Ropac dit qu’il a dû réduire ses heures de travail et payer une partie de son équipe, bien qu’avec la réouverture des galeries, il commence activement à rétablir leurs emplois. Avec huit expositions en réserve, les fermetures ont également modifié les deux prochaines années du programme d’exposition de la galerie et les artistes qui en dépendent pour leurs revenus. Alors que la galerie a réalisé des ventes à partir de sa salle d’exposition en ligne et de ses foires d’art virtuelles, M. Ropac déclare « qu’après deux mois de cet espace virtuel, nous aspirons à revenir à la réalité ».
Le gouvernement à la rescousse
Le gouvernement français a offert une aide supplémentaire, en mettant en place un fonds de secours pour la culture de 22 millions d’euros au début de la crise, dont 2 millions d’euros réservés spécifiquement aux arts. Mais beaucoup ont prévenu que cela ne suffirait pas pour assurer la survie des galeries. Après une consultation avec les représentants de la culture, le président Macron a annoncé, mercredi 6 mai, qu’une aide supplémentaire serait mise à la disposition des secteurs artistiques et culturels du pays dans le cadre d’un fonds spécial de 7 milliards d’euros destiné aux petites entreprises et aux travailleurs indépendants.