Du 10 au 15 septembre, le quartier historique de Saint-Germain-des-Prés à Paris s’est paré de ses plus beaux atours pour accueillir Parcours des Mondes, l’un des plus grands événements international des arts d’Afrique, d’Océanie, des Amériques, asiatiques et d’archéologie. Pour son édition 2024, spectaculaire à souhait, l’événement offre une immersion totale dans les arts d’Afrique, d’Océanie, d’Asie, des Amériques et de l’archéologie. A l’occasion, les visiteurs ont pu déambuler dans les ruelles emblématiques – rue Mazarine, rue de Seine, rue Jacob – où une soixantaine de galeries prestigieuses ont présenté des œuvres fascinantes. Sculptures, masques rituels et trésors culturels se sont dévoilés dans une atmosphère intime et feutrée, propice à la découverte. Saint-Germain-des-Prés est devenu, le temps de ces quelques jours, un véritable carrefour culturel où tradition ancestrales et modernité se rencontrent… Découverte !
Des temps forts, entre surréalisme et arts premiers
Cette année, le parcours artistique nous offre quelques pépites qui méritent le détour (pas de panique, nous y reviendrons plus en détail dans la suite !), et parmi elles, citons « Zones de contact : Surréalisme, Afrique, Océanie, Amérique », une exposition ambitieuse organisée par Charles-Wesley Hourdé et Nicolas Rolland. En collaboration avec le Centre Pompidou, l’Association André Breton et le Comité des Galeries d’Art, la présentation explore les correspondances fascinantes entre le surréalisme et les arts premiers. L’exposition offre une nouvelle lecture d’œuvres souvent peu connues du grand public, réinterprétant les liens entre esthétique occidentale et traditions culturelles venues de loin. Cette année la présidence d’honneur est assurée par Mr Ladreit de Lacharrière, un féru d’arts premiers qui nous a fait l’honneur de sa visite et de sa bonne humeur.
Autre temps fort : une immersion dans l’univers de l’ethnie Kaka, mise en lumière par Bruno Claessens. Les œuvres inédites de ces artistes camerounais anonymes révèlent toute la profondeur et l’authenticité d’une culture souvent ignorée, mais d’une richesse saisissante. Chaque sculpture, chaque objet invite à un voyage introspectif au cœur des traditions africaines. La Galerie Christophe Person ne passe pas inaperçue non plus avec sa rétrospective dédiée à Amahiguéré Dolo, artiste malien dont l’œuvre oscille entre animisme et surréalisme. Ses sculptures en bois, dessins inédits et peintures sur toile illustrent un dialogue vibrant entre le visible et l’invisible, témoin d’une puissance créative hors du commun. Un univers mystique où chaque œuvre semble habitée d’une force évocatrice rare !
Côté contemporain, la Galerie Vallois propose deux expositions marquantes : Black and White – Traits cubains et Legado, deux projets audacieux qui font écho aux pratiques ancestrales, tout en les réinterprétant avec un regard contemporain. Ils interrogent les héritages culturels et rituels dans une approche qui brouille les frontières entre modernité et tradition, passé et présent. Par ailleurs, le Parcours des Mondes, ce n’est pas seulement une balade artistique, c’est aussi une chance unique d’échanger avec des experts, conservateurs et collectionneurs passionnés. Autant de rencontres qui enrichissent le regard porté sur les œuvres et permettent de mieux comprendre les enjeux de ces arts fascinants. Pour les férus de culture, l’événement a culminé avec la remise du Prix Pierre Moos, en partenariat avec Christie’s, un prix qui récompense le meilleur ouvrage sur les arts d’Afrique, d’Océanie et d’Amérique publié entre 2023 et 2024.
Expositions thématiques : l’art au cœur du Parcours des Mondes 2024
Chaque année, le Parcours des Mondes met la barre haute en proposant des expositions thématiques d’exception, fruit de recherches rigoureuses menées sur plusieurs mois, voire plusieurs années. Pour sa cuvée 2024, plusieurs expositions phares retiennent l’attention. Découvrons-les sans plus tarder !
Galerie Ondine et Patrick Mestdagh : 23 pièces pour 23 ans
Après une absence de dix ans, Patrick et Ondine Mestdagh font leur grand retour au Parcours des Mondes pour cette 23e édition. La galerie célèbre cette double occasion en exposant 23 œuvres sélectionnées avec soin, chacune représentant l’un des cinq continents, un projet qui incarne la quête constante d’excellence qui caractérise le travail des Mestdagh. Sculptures, objets rituels et trésors culturels se mêlent dans une scénographie qui promet une véritable immersion dans l’art du monde entier.
Galerie Afrique – Frantz et Alain Dufour : 50 ans de passion pour l’art tribal
Cette année, la Galerie Afrique fête un demi-siècle d’activités avec une rétrospective ambitieuse qui retrace les grandes étapes de son parcours. Connue pour sa présence sur des scènes prestigieuses comme le PAD ou le Musée Dapper, la galerie propose cette fois un focus sur les traditions artistiques africaines les plus emblématiques. Une statue double « Obu Nkwa » évoque l’art ancestral Ibo du Nigeria, tandis qu’une majestueuse sculpture Igala d’Anjenu, avec sa patine noire texturée, reflète l’essence de la vallée de la Bénoué.
La rétrospective, accueillie à la Galerie de Causans au 25 rue de Seine, fait aussi la part belle à l’art Yoruba. L’exceptionnel cavalier de la collection Garcia, immortalisé dans le célèbre ouvrage « Les chefs-d’œuvre africains dans les collections privées françaises », était de la partie. Les amateurs ont également eu l’occasion d’admirer la statue Aguéré Ifa, exposée lors de l’ouverture de la galerie en 1974. Outre le Nigeria, l’exposition s’étend à d’autres régions majeures comme la Côte d’Ivoire, la Tanzanie et le Burkina Faso, pour un panorama complet de l’art tribal africain.
Bakongo – Abla & Alain Lecomte : un hommage vibrant
Pour cette 23e édition du Parcours des Mondes, Abla et Alain Lecomte dévoilent une exposition intitulée « Bakong », une plongée fascinante dans l’univers de ces peuples d’Afrique centrale, dont l’art, profondément spirituel, a marqué leur parcours de galeristes. « La passion que nous avons depuis des années pour ces peuples et leur art ne s’est jamais éteinte », confient-ils. Mais ce qui frappe ici, c’est le paradoxe du marchand : après des années à collectionner minutieusement ces pièces, vient le moment déchirant de s’en séparer. Chaque sculpture, masque ou objet rituel exposé à travers « Bakongo » porte en lui une partie de cette aventure passionnée.
« En Forêt » – Galerie Granier | Ancient : entre magie et mystère
L’exposition « En Forêt », présentée par la galerie Granier | Ancient, explore l’art sacré des forêts tropicales, où abstraction et expression se croisent dans une mise en scène qui flirte avec l’onirique et le mystique. Cet art ancien, avec ses symboles sacrés et ses formes énigmatiques, questionne les origines humaines et nous invite à un retour aux sources. Dans un monde où tout semble formaté, « En Forêt » ouvre une fenêtre vers un autre imaginaire, celui du rêve et du réenchantement.
Legado – Galerie Vallois 41 : un dialogue entre tradition et modernité
Avec « Legado », la Galerie Vallois 41 propose une rencontre entre l’art Lega et l’œuvre contemporaine de l’artiste cubain Mikimando. En exposant des objets rituels issus de la collection personnelle de Robert Vallois, accompagnés d’œuvres graphiques de Mikimando, l’exposition trace un pont entre Afrique et afro-descendance. Ce dialogue éclaire la relation entre pratiques ancestrales et création contemporaine, et révèle la force d’un héritage transmis à travers le temps.
Mikimando, de son vrai nom Armando Sánchez, est né en 1988 à La Havane. Artiste multidisciplinaire, il puise son inspiration dans la Santería, une religion afro-cubaine qu’il intègre avec brio dans ses œuvres. Son travail mêle street art, tatouage, animation digitale et photographie, brouillant les frontières entre modernité et tradition. « La fusion entre les éléments symboliques de la Santería et la culture urbaine cubaine est au cœur de mon travail », explique l’artiste.
Mystiques Cultures du Pacifique – Un dialogue entre traditions ancestrales
Pour cette édition 2024 du Parcours des Mondes, la Galerie Gauchet Art Asiatique fait sensation avec « Mystiques Cultures du Pacifique », une exposition qui fait dialoguer des œuvres asiatiques et des arts aborigènes d’Australie. A cette occasion, l’art devient une passerelle entre des univers aussi lointains qu’envoûtants. Le visiteur est invité à naviguer entre totems rituels, masques spirituels et objets de culte, dans une mise en scène où chaque pièce semble résonner avec les autres, malgré leurs origines distinctes.
Onirismes – Lucas Ratton : Jean Messagier, l’art tribal en obsession
A travers « Onirismes », la Galerie Lucas Ratton explore l’univers du peintre Jean Messagier, un artiste pour qui l’art tribal n’était pas une inspiration mais une révélation. « L’artiste ne choisit pas un objet primitif, il le reçoit », disait-il, illustrant ainsi sa fascination pour l’art africain, océanien et amazonien. Cette passion, qui imprègne ses œuvres depuis les années 40, s’exprime dans des toiles aux titres évocateurs, comme « Afrique Météorologique » ou « Les porteurs d’Afrique ».
L’exposition revient aussi sur un moment clé dans sa carrière : sa rencontre avec André Breton en 1953 à la galerie l’Etoile Scellée. Admirateur du travail de Picasso et de sa proximité avec les arts africains, Jean Messagier a construit un univers onirique peuplé d’animaux fantastiques – brochets, faisans, martins-pêcheurs – et de formes inspirées par des sculptures tribales. Dans « Onirismes », cette fusion prend tout son sens avec une sélection rare d’œuvres peu connues du grand public, mises en regard avec des pièces d’art tribal soigneusement choisies. Entre formes brutes et peintures surréalistes, l’exposition brouille les frontières et offre une expérience visuelle puissante, où l’ancien dialogue avec le moderne.
Surréalisme : Zones de contact – Quand l’art devient friction et dialogue
Avec l’exposition « Surréalisme : Zones de contact », H+R ART CONSULT frappe fort en plongeant dans les interactions tumultueuses entre le surréalisme et les arts d’Afrique, d’Océanie, et des Amériques. Pas de banal discours sur une prétendue « découverte » des arts primitifs par les surréalistes. Ici, on entre dans le vif du sujet : des échanges intenses, parfois des frictions, entre ces univers. On découvre que ce n’est pas juste une question d’influences esthétiques. C’est une véritable rencontre de mondes, où chaque culture apporte sa pierre à l’édifice, mais sans naïveté.
Les curateurs, Yaëlle Biro et Nicolas Rolland, choisissent une approche qui bouscule les conventions. L’exposition montre à quel point le rêve, l’inconscient et l’immatériel sont centraux dans les arts traditionnels d’Afrique et des Amériques, tout comme ils le sont pour le surréalisme. Ces thématiques, explorées dès le Manifeste de 1924 d’André Breton, résonnent ici de façon puissante, comme un écho lointain mais pertinent. Le parcours propose aussi un éclairage sur la manière dont les surréalistes se sont approprié ces arts. Que l’on parle des expositions où ces œuvres figuraient en bonne place, des revues dans lesquelles elles étaient publiées ou des collections privées accumulées par Breton et ses acolytes, tout est montré sous un angle critique. On est bien loin de l’idée d’une admiration désintéressée : ces échanges ont aussi été marqués par le contexte colonial de l’époque, un facteur que l’exposition ne cherche pas à minimiser.
L’exposition s’est tenue à la galerie Charles-Wesley Hourdé du 3 au 21 septembre 2024, en partenariat avec le Centre Pompidou et l’Association André Breton. Ce fut une occasion unique de plonger dans un moment de l’histoire de l’art où l’esthétique surréaliste a tenté de se nourrir de l’altérité, tout en laissant parfois un goût amer d’incomplétude. « L’inspiration que nous avons pu tirer de leur art est restée en définitive sans effet, faute d’un contact organique élémentaire », déclarait André Breton en 1955. C’est précisément cette absence de lien profond que l’exposition entend corriger en remettant les arts d’Afrique, d’Océanie et des Amériques au centre du récit, et non plus à la marge.
Voyages Immobiles – François Avril fait vibrer l’art tribal à sa manière
Pour le Parcours des Mondes 2024, la galerie Huberty & Breyne mise sur l’imaginaire de François Avril avec « Voyages Immobiles », une exposition qui bouscule les codes. L’artiste s’inspire librement d’objets venus d’Afrique, d’Océanie, des Amériques et des trésors archéologiques, mais sans jamais tomber dans le mimétisme. Pas question de reproduire fidèlement des œuvres anciennes : François Avril préfère réinventer ces influences à travers son prisme graphique unique. Son style, épuré mais évocateur, capte l’essence de ces cultures tout en nous embarquant dans un voyage introspectif où l’on reste paradoxalement immobile.
Avec son trait minimaliste et ses aplats de couleurs, l’artiste capture l’esprit des objets tribaux, sans jamais sombrer dans l’exotisme gratuit. Son approche fait écho à un véritable carnet de voyage mental, où l’art devient une passerelle entre ici et ailleurs, entre tradition et modernité. On voyage sans bouger, porté par la puissance évocatrice de ses œuvres. Le Parcours des Mondes a eu le flair de lui offrir cette carte blanche, et le résultat ne déçoit pas !
Sources :
https://www.parcours-des-mondes.com/
https://www.parcours-des-mondes.com/categorie/expositions-thematiques.html
https://www.parcours-des-mondes.com/page/catalogue2024.html?aPreview=33cf57e7d7bac4458a2354e17065e4971522c55d