« Mon travail ne s’arrête pas, parce que j’essaye d’être dans un processus de création permanente ». Yoann Bourgeois consacre sa vie à l’Art Vivant. Danseur, chorégraphe, circassien, metteur en scène, acrobate… La créativité de celui qui se définit comme « un joueur » semble sans limite, lui qui est à la recherche constante d’un point de suspension afin d’offrir à ses spectateurs une expérience de vertige et d’apesanteur.

Cramans

Cramans, village d’enfance de Yoann Bourgeois

Yoann Bourgeois : un artiste non conventionnel

Né le 7 septembre 1981 d’une mère infirmière puéricultrice et d’un père professeur de sport, Yoann Bourgeois grandit à Cramans, un petit village du Jura. Son enfance est épanouie et surtout marquée par la découverte du théâtre à l’âge de 9 ans lorsqu’il joue une nouvelle de Maupassant (Le Parapluie). Mais c’est à 15 ans que Yoann Bourgeois a une révélation : ses parents divorcent et le hasard veut qu’ils vendent leur maison à l’un des fondateurs du Cirque Plume.

L’adolescent, à l’esprit curieux et ouvert sur le monde, décide de découvrir plus en profondeur l’univers du cirque et s’inscrit à des cours à Besançon. Sa passion éclate au grand jour. Le créateur Yoann Bourgeois voit son monde prendre une nouvelle dimension grâce à une activité qui lui permet de s’émanciper et de laisser sa créativité s’exprimer. Un constat déterminant pour celui qui n’était pas en phase avec le système scolaire traditionnel : « je ne restais pas en place et surtout je me sentais dans l’incapacité de savoir « quoi faire de ma vie ? » dans une société où tu es ce que tu fais ».

Il décide alors à la veille de son baccalauréat de se libérer des carcans scolaires. Il prend la route avec quatre amis pour vivre une expérience nomade, bercée par la musique tzigane puisque les comparses se rendent en Roumanie. Les jeunes hommes vont aller à la rencontre des Roms mais aussi créer une association humanitaire pour les enfants orphelins ainsi que des spectacles.

Cirque de Châlons en Champagne

CNAC de Châlons-en-Champagne où il suit une formation dès 2004

Yoann Bourgeois prend conscience que le jonglage et la voltige sont sa vie. Il rentre alors en France et intègre en 2002 l’École nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois (ENACR) puis en 2004 le Centre national des arts du cirque (CNAC) de Châlons-en-Champagne. Il suit en parallèle une formation au Centre national de danse contemporaine d’Angers, ce qui lui permet d’avoir un double cursus.

Les prémices d’un artiste à la créativité infinie

Fort de son bagage académique, Yoann Bourgeois débute aux côtés de Maguy Marin. Il est à cette époque danseur permanent au Centre chorégraphique national de Rillieux-la-Pape de 2006 à 2010, où il se fera notamment connaître pour ses rôles dans May B et Umwelt.

Au cours de ses congés d’été, il retourne à ses sources dans le Jura. Il va débuter son processus de création en réunissant quelques amis autour du collectif l’Atelier du joueur, reposant notamment sur le thème du vertige. « Je retrouvais les gens que j’aime pour passer un temps intense de vie, et le jeu m’a semblé répondre à cette exigence. La société des adultes me semblait triste, je ne voulais pas grandir… ».

Il s’agit d’un temps fort dans le parcours de Yoann Bourgeois. Ce collectif lui permet de réaliser son besoin de liberté et il crée sa Compagnie Yoann Bourgeois en 2010 avec la danseuse Marie Fonte, l’ingénieur Nicolas Picot et la chargée de diffusion Geneviève Clavelin. L’artiste peut alors créer ses propres spectacles.

Yoann Bourgeois lors d'un spectacle

Yoann Bourgeois lors d’un spectacle

Yoann Bourgeois : « performeur », « magicien » ou « dramaturge de la physique » ?

La Compagnie Yoann Bourgeois se fait rapidement remarquer avec sa première création, Cavale, une performance en duo sur le vertige et l’envol. Le succès est ensuite conforté avec L’Art de la Fugue en 2011 où Yoann Bourgeois et Marie Fonte jouent autour de la chute et de la disparition sur l’œuvre de Jean-Sébastien Bach. Le succès est immédiat, le spectacle est plébiscité par le public et la presse. Yoann Bourgeois devient artiste associé de la MC2 de Grenoble.

Il poursuit sa création en se positionnant sur la relation du corps et de la force. Il présente alors à la Biennale de la danse Celui qui tombe et Minuit, Tentatives d’approches d’un point de suspension au Théâtre de la Ville. Là encore, Yoann Bourgeois marque les esprits. Il est alors nommé directeur du Centre chorégraphique national de Grenoble (CCN2) en 2016, une première pour un circassien. Son ouverture pluridisciplinaire, sa pédagogie innovante et de partage, sa volonté de décloisonner les arts vont lui permettre d’avoir une plus vaste reconnaissance parmi ses pairs.

Panthéon

Panthéon

2017 va être un autre temps fort dans le parcours de Yoann Bourgeois : il propose une performance dans le célèbre Panthéon, saluée par le New-York Times qui décrit l’artiste comme un « dramaturge de la physique ». Il reçoit cette année la décoration de Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres. Le chorégraphe va ensuite mettre en scène le final du défilé de la 18e Biennale de la Danse en 2018. Il crée pour cela Passants ainsi que Fugue VR en réalité virtuelle. « Il y a tout un nouveau champ qui m’intéresse énormément : c’est la relation avec le monde numérique. Je cherche aujourd’hui des passerelles entre l’art vivant et le champ numérique ».

Yoann Bourgeois

Yoann Bourgeois

Bien loin de se reposer sur ses œuvres à succès, l’infatigable Yoann Bourgeois repousse sa créativité et élargit son univers en collaborant avec de prestigieuses compagnies comme l’opéra de Göteborg et le Nederlands Dans Theater mais aussi des artistes internationaux (FKA twigs, Coldplay, Missy Elliott…). Au-delà de leur qualité artistique, les œuvres de Yoann Bourgeois sont également engagées. « Ce qui m’intéressait c’était de chercher le principe actif de chaque chose, de représenter une humanité, notre humanité et je crois que dans ce spectacle j’essaie de donner ma vision de notre humanité et je nous vois comme étant en lutte, comme devant s’accrocher, comme étant traversés par des grandes puissances qui nous dépassent ». Son prochain projet devrait s’articuler autour de la sensibilisation environnementale et la recherche poétique au sein d’un espace naturel sensible (ENS).

Rare interview de Mr Bourgeois sur « Celui qui tombe »

Yoann Bourgeois : C’est une petite humanité, qui essaye simplement de tenir debout, malgré toutes les contraintes qui sont exercées sur elle. Et, effectivement, chaque principe mécanique peut devenir très périlleux.

Commentateur : Un plateau qui tourne, s’incline, se balance. Dessus, 6 êtres en équilibre esquissent un corps à corps avec ce plancher mouvant. Artiste issu du Nouveau Cirque, Yoann Bourgeois est un poète chercheur qui entremêle les arts. Avec sa complice Marie Fonte, il a construit sa dernière création, « Celui qui tombe », autour des rapports de force, une sorte de jeu de vertige, où l’homme subit, plus qu’il n’agit.

Yoann Bourgeois : En fait, chaque contrainte physique génère une situation. C’est par la contrainte physique qu’une situation théâtrale apparaît, et c’est un petit peu le sens de ce spectacle, cet émerveillement de voir surgir des fictions à partir d’éléments très concrets, d’éléments physiques.

Commentateur : A la fois objet scénographique et mécanique vivante, le socle géant craque, vibre. Soumis à différents phénomènes, de l’équilibre à la force centrifuge, les 6 acteurs se transforment en vecteurs de force. Ils nous emmènent vers un imaginaire poétique…

Julien Cramillet : On part vraiment de ce principe physique, on a notre parcours, on a notre chemin, on doit aller faire ça, on se rencontre et, émerge cette poésie…
Marie Fonte : … par la contrainte physique…
Julien Cramillet : … avec cette contrainte physique.
Marie Fonte : On ne raconte pas vraiment une histoire, mais peut-être il y a des signes qu’on produit qui permettent de se raconter, soi-même, très personnellement et individuellement des choses de ce qu’on propose.

Commentateur : Portés par la mélodie de « My Way », les interprètes finissent par dompter la machine. Ils courent, se rapprochent, esquissent une chorégraphie, et c’est tout simplement magique ! Présenté à l’Opéra de Lyon les 20 et 21 septembre dans le cadre de la Biennale de la Danse, « Celui qui tombe » sera dévoilé en avant-première ce samedi à a MC2.

Liens utiles :

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